Ce bâtard avait osé. Il avait osé la servir après un mec qu'elle ne calculait même pas. Non, toute son attention est portée vers le barman, qui se croit malin à faire son mysogine. Un regard assassin, malsain qui secrètement cache l'image de ce plouc en train de crier alors qu'il se fait dévorer par un monstre. Et pendant un instant, ça excite tellement Arákhnê qu'il croit avoir l'ascendant sur la rouge. Il se pose là, à la dévisager de son air triomphant, en sortant devant son nez les trois shots. Mais elle s'en fiche Arákhnê car on ne la provoque pas. Si on ne lui donne pas ce qu'elle veut, elle a toujours un moyen de le prendre. Sa manière ce soir c'est de faire une pichenette sur un, deux verres, pendant que l'autre a le dos tourné. Quand il verra que c'est tombé, il sera obligé de ramasser et là ... là elle prendra la bouteille pour partir avec. D'ailleurs l'autre qui a été servi, elle va aussi l'humilier, parce que ces comportements, c'est comme ça, ça la révolte. Un passif, passif agressif, ça ne change rien dans ses principes. La pistolero fait en sorte de faire un croche patte au premier rase comptoir qui passe. C'est une femme qui tombe évidemment contre l'inconnu, en glapissant. Second temps, le plan initial. Avec une précision et un tempo tous calculés, elle met à terre les verres, s'empare de la bouteille de whisky gratuite et elle profite de ce qui se passe à côté d'elle pour ... oui ... titiller ce stoïque de première place.
— Vraiment, ce ne sont pas des manières à avoir avec une femme.
Elle passe dans son dos en lui donnant un petit coup de bassin dans le dos pour l'obliger à se pencher, puis elle aide la demoiselle toute ébouriffée, courroucée de cette incartade à se relever sur sa paire de talons. Sans une once de gêne, Ara' brise la distance entre elles, en la voyant encore se déséquilibrer, et la prend fermement à la hanche droite pour d'autant plus affermir sa prise sur la demoiselle.
— Excusez-le, avec ces histoires de mémoire, je pense qu'il n'a pas remarqué que les filles de ton genre méritent le respect. Tu n'as rien de cassé ma jolie ?
— N-non. Je vais bien. Et merci de m'avoir ... rattrapée.
— Tout le plaisir est pour moi, ma belle. Attends.
Sa main qui tenait la hanche remonte jusqu'aux cheveux blonds bouclés de la jeune femme. De ses doigts gantés, Ara' dégage délicatement les mèches qui cachent encore le minois de la pauvre victime de son petit plan démoniaque. Et elle lui sourit, chaleureusement. De toute la chaleur possible de sa part, quand on se rend compte d'à quel point son regard est lourd, mystérieux, mais surtout dangereux. Le rouge lui monte aux joues.
— Voilà. Aller, et bonne soirée.
La fille s'écarte au moment où Ara' se recule, puis file, en cachant son visage de ses deux mains, trop honteuse d'avoir eu un petit crush pour une femme, sûrement. Quand à la gardienne, elle la regarde filer un temps avant de porter son attention sur l'autre. Juste pour bien enfoncer le clou, pendant que son pote est encore occupé à ramasser ses cousins les déchets par terre. Elle ouvre la bouteille, et se met à sourire, avec moins de sympathie.
— Si c'est pour avoir ta bite dans son cul qu'il a fait en sorte que tu me doubles, tu diras à ton pote que la prochaine fois, il devra y réfléchir à deux fois si je le recroise. Aller, bye et merci pour ta participation.
Tocard, dit-elle en ayant déjà tourné les talons.